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Beni : pour sauver leurs forêts, les habitants disent non à l’exploitation du pétrole dans le Graben

À Beni, dans la province du Nord-Kivu, la résistance s’organise face au projet d’exploitation pétrolière prévu dans le graben Albertin, une zone qui englobe une grande partie du Parc National des Virunga. Portée par la jeunesse locale regroupée au sein du mouvement Extinction Rebellion Beni, une campagne de sensibilisation bat son plein pour dire non à ce projet jugé dangereux pour l’environnement, menaçant pour l’agriculture locale et déconnecté des réalités des communautés.

La République démocratique du Congo a récemment signé, aux côtés du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda, l’accord EACOP (East African Crude Oil Pipeline), visant à faciliter l’exploitation et le transport du pétrole brut extrait du bassin du graben vers les côtes de l’océan Indien. Ce projet traverse des zones écologiquement sensibles, notamment le Parc des Virunga, classé patrimoine mondial de l’UNESCO.

Mais sur le terrain, cet accord suscite des inquiétudes. Les communautés locales craignent d’être les grandes perdantes de cette opération. Pour elles, le pétrole ne représente ni un espoir de développement ni une réponse aux besoins urgents de sécurité, d’alimentation ou de stabilité. Au contraire, il est perçu comme un risque de plus dans une région déjà éprouvée par les conflits armés, la pauvreté et les effets du changement climatique.

Une jeunesse engagée pour la défense de l’environnement.

C’est dans ce contexte que la structure Extinction Rebellion Beni, composée majoritairement de jeunes militants écologistes, a lancé une campagne citoyenne de sensibilisation. Objectif : informer la population sur les risques de l’exploitation pétrolière dans une région aussi fragile, et encourager une mobilisation collective contre la mise en œuvre de l’accord.

Le mardi 23 juin 2025, les jeunes de ce mouvement ont investi deux grands marchés de la ville de Beni : le marché de Letronc, dans le quartier Mabakanga, et celui de Kalinda. Munis de messages clairs, ils ont rencontré commerçants, acheteurs et curieux pour expliquer les dangers environnementaux, sociaux et économiques liés à l’exploitation pétrolière dans la région.

« Beaucoup de gens n’étaient même pas au courant de cet accord. Une fois sensibilisés, plusieurs se sont montrés favorables à notre démarche et ont promis d’en parler dans leurs communautés », explique un membre du collectif.

Des paysans en colère : “On veut encore nous chasser”.

Dans les zones rurales autour de Beni, les voix s’élèvent également contre le projet. Masumbuko Alex, agriculteur dans le village de Kilia, sur l’axe Beni-Kasindi, redoute une nouvelle vague de déplacement :

« En tant qu’agriculteur de la zone concernée, je me demande ce que veut notre gouvernement. Pourquoi nous chasser encore de nos champs ? Ce sont les seules terres où nous pouvons encore cultiver avec un peu de sécurité. Si on nous les prend, comment allons-nous survivre ? »

Les femmes commerçantes prennent position.

Au marché de Letronc, Neema Kavira, vendeuse de feuilles de manioc, n’a pas mâché ses mots face aux militants :

« Cette fois, c’est une guerre économique que l’État veut nous imposer. On va raser nos forêts, détruire nos champs, réchauffer le climat… et tout cela pour enrichir qui ? Pas nous en tout cas. Le gouvernement doit nous laisser vivre et cultiver en paix. »

Pour Nick Junior, jeune activiste pro-démocratie et membre actif d’Extinction Rebellion, cette mobilisation vise à prévenir une répétition des échecs connus ailleurs :

« Regardez Moanda, au Kongo Central. Le pétrole y est exploité depuis des années, mais les populations locales sont toujours dans la misère. Aucune école, aucune route, aucun progrès. Pourquoi devrait-on accepter ce scénario ici à Beni ? »

Il insiste : dans une zone marquée par des conflits à répétition, ajouter une tension liée à l’exploitation pétrolière ne ferait que fragiliser davantage la région.

Une lutte pour la survie de l’écosystème et des populations.

Au-delà de l’aspect économique, c’est l’écosystème entier de la région qui est menacé. Le Parc National des Virunga est l’un des sanctuaires de biodiversité les plus importants au monde, abritant notamment les derniers gorilles de montagne, des espèces endémiques, des forêts anciennes et des sources d’eau cruciales pour les populations.

Dans un contexte de changement climatique accéléré, de déforestation massive et de raréfaction des terres agricoles, les habitants de Beni voient dans ce projet non pas une opportunité, mais une menace pour leur avenir et celui de leurs enfants.

Conclusion : une alerte citoyenne à ne pas ignorer.

La mobilisation menée par Extinction Rebellion Beni traduit une prise de conscience citoyenne grandissante. Dans une zone où l’insécurité et la précarité sont quotidiennes, les jeunes, les agriculteurs, les commerçantes et d’autres voix locales refusent qu’on leur impose un projet qui pourrait détruire les dernières ressources dont ils disposent pour vivre.

Ils demandent l’annulation de l’accord EACOP dans cette zone sensible, et appellent les autorités nationales et les partenaires internationaux à repenser le développement autrement : avec les communautés, pas contre elles ; pour la vie, pas pour le profit.

Maki Barack Patrick

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