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Beni : enfants déplacés entre survie, suspicion et oubli

Dans les rues de Beni, un phénomène social interpelle : des enfants marchands ambulants errent tard dans la nuit, notamment aux abords du marché central de Beni-Kilokwa. Nombre d’entre eux sont issus de familles déplacées venues de Goma, de Bukavu ou d’autres zones touchées par les violences des groupes armés M23-AFC et ADF-MTM.

Dans ce contexte de précarité, certains de ces enfants se lancent dans de petites activités commerciales ramassage de métaux, collecte de bouteilles, etc, afin de subvenir aux besoins de leur famille. Livrés à eux-mêmes, ils passent leurs journées et leurs nuits dans la rue, exposés à tous les dangers. L’un d’eux, un garçon d’environ douze ans, témoigne :

« Nous marchons en ramassant les métaux et les bouteilles pour les vendre, afin de ramener un peu d’argent à nos parents. C’est avec cela qu’ils nous achètent à manger. Mais nous sommes souvent pourchassés, battus, surtout par des adultes qui disent que les enfants venus de Goma ou de Bukavu sont tous des voleurs », regrette Jean-Pierre (nom d’emprunt).

Bombes à retardement

Au-delà des accusations de vol, ces enfants sont parfois taxés d’espions. Certaines rumeurs prétendent qu’ils seraient envoyés à Beni pour espionner au compte du M23 ce qui expliquerait, selon leurs détracteurs, leur présence dans les rues la nuit. Cette stigmatisation aggrave leur marginalisation. Joël Kavuya, encadreur principal au sein du Parlement et Comité des enfants de Beni-Butembo, coordination Grand Nord-Kivu, alerte :

« Ces enfants ont besoin d’être écoutés, encadrés pas rejetés. Ce sont des victimes, pas des menaces dans le contexte actuel. La communauté doit faire preuve de solidarité, non de méfiance. L’État doit impérativement intervenir pour les soutenir, car sans éducation, ils risquent de devenir une bombe à retardement pour notre société ».

Enregistrer pour protéger

Joël Kavuya insiste sur l’importance, pour les parents déplacés, d’enregistrer leurs enfants auprès des services compétents : le Parlement des enfants, le Bureau du Genre, Famille et Enfant, ou encore la mairie. Cet enregistrement permettrait, selon lui, une meilleure protection et un accès plus rapide aux aides disponibles.

La situation de ces enfants dits « errants » pose une double problématique : celle de leur protection et celle du regard que la société porte sur eux.

« Si rien n’est fait rapidement, ces enfants risquent de sombrer dans l’oubli, ou pire, de tomber dans le banditisme, devenant des proies faciles pour les réseaux criminels. Il est urgent que les autorités locales, les organisations humanitaires, les familles d’accueil et les citoyens unissent leurs efforts pour restaurer l’avenir de ces enfants, qui, malgré tout, n’ont pas cessé d’espérer. S’ils sont dans la rue, c’est pour survivre ».

Priscille Butsapu

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