
Dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, des rumeurs continuent de circuler sur une prétendue collaboration entre la communauté musulmane et les rebelles terroristes de l’ADF. Depuis le début des massacres perpétrés par ces rebelles dans l’Est de la République démocratique du Congo, notamment dans la région de Beni et une partie de l’Ituri, aucune initiative significative n’avait été prise par la communauté musulmane pour dissiper ces soupçons qui ternissaient son image.
Le jeudi 5 juin 2025, les représentants de cette communauté sont enfin sortis de leur silence, à l’occasion d’une conférence tenue devant les notabilités de Beni et un public diversifié issu de différentes confessions religieuses. Ils se sont dits prêts à répondre à toutes les questions, dans l’objectif de redorer l’image de leur communauté et celle de l’islam.
Dans son intervention, le chef de travaux Kyakumeza Ibrahim, coordinateur de la Fondation Lumière pour les Affaires Islamiques, a retracé les responsabilités de plusieurs acteurs dans la genèse et la persistance des ADF.
« Depuis leur arrivée en RDC, vers les années 1980, les ADF ont été des alliés du régime Mobutu, avant d’être tolérés par le régime Kabila jusqu’à leur radicalisation. Ensuite, plusieurs États, structures et individus ont soutenu leurs actions terroristes pour des intérêts égoïstes », a-t-il souligné.
Ce cadre scientifique et religieux a ensuite clarifié le concept de Djihad, souvent utilisé de manière abusive par ces ennemis de la paix pour tenter de justifier leurs crimes.
« Ils sèment la confusion et nous créent de nombreux ennemis au sein de la société. Le Djihad fait référence aux efforts personnels pour vaincre son propre égo. C’est aussi une lutte de légitime défense contre toute agression », a-t-il précisé. Il a rappelé que si le Prophète Muhammad avait ordonné un djihad armé à son époque, c’était uniquement dans un cadre de légitime défense, les musulmans étant alors persécutés.
À sa suite, Sheikh Mudjaïdi Rubani, chef de projet à la Fondation Lumière pour les Affaires Islamiques (FLAIS), a présenté plusieurs principes du djihad tels qu’enseignés par le Prophète Muhammad, et qui sont en totale contradiction avec les actions des ADF.
« Le Prophète avait interdit de tuer toute personne non impliquée dans un conflit, notamment les enfants, les femmes et les personnes âgées. Il avait également proscrit le massacre des animaux, la destruction des arbres fruitiers, l’incendie des maisons ainsi que la torture des prisonniers », a-t-il rappelé, soulignant que ces pratiques sont à l’opposé des exactions commises par les ADF, qui tuent indistinctement.
Prenant la parole à son tour, le lieutenant-colonel Mak Hazukay, commandant adjoint du service de communication des Forces armées de la RDC (FARDC), a salué l’initiative de la communauté musulmane.
« Je vous félicite pour votre engagement à dissiper les malentendus autour de l’islam et des ADF. Je vous encourage à maintenir un espace de communication permanent afin de répondre aux accusations qui vous visent », a-t-il déclaré.
La conférence s’est clôturée par une série de questions et de recommandations, dont un appel pressant à la communauté musulmane pour qu’elle multiplie les efforts de sensibilisation, notamment en expliquant certains concepts religieux souvent mal compris par les non-musulmans.
Spyri Wikere