
Alors que les groupes armés continuent de semer l’insécurité dans l’est de la République démocratique du Congo, la riposte ne se joue plus uniquement sur les champs de bataille. À Beni, dans la province du Nord-Kivu, une nouvelle stratégie judiciaire se met en place pour tarir les flux financiers qui alimentent le terrorisme.
Dix magistrats, inspecteurs de la police judiciaire et agents des services de sécurité viennent d’achever une formation spécialisée de onze jours axée sur la traque des circuits de financement clandestins. Ce programme, conduit par la Section d’Appui à la Justice de la MONUSCO/Beni, vise à doter les autorités judiciaires de compétences modernes pour identifier, démanteler et poursuivre les mécanismes de soutien économique des groupes armés.
Dans cette région meurtrie, les Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l’organisation État islamique, sont régulièrement accusées de massacres de civils. Leur capacité de nuisance repose en grande partie sur un approvisionnement en armes, en logistique et en ressources humaines, souvent financé depuis l’étranger. Pour les responsables judiciaires, comprendre et perturber ces flux d’argent devient désormais une priorité stratégique.

Selon le capitaine Hubert Kabandani Kalubi, auditeur militaire intérimaire de garnison, les participants à la session disposent désormais des outils nécessaires pour retracer les chaînes de financement, depuis leur origine jusqu’aux opérations criminelles. Il évoque une montée en compétences qui permettra d’identifier les transferts suspects, d’exploiter les données numériques, et de constituer des preuves exploitables devant les juridictions compétentes.
La formation ne se limite pas à Beni. Elle s’inscrit dans un programme national lancé par la MONUSCO, qui concerne également les villes de Bunia, en Ituri, et de Kinshasa. Dans la capitale, une dernière session sera prochainement organisée, dédiée à la formation des formateurs. L’objectif est d’ancrer durablement ces compétences au sein du système judiciaire congolais et de constituer un réseau professionnel résilient capable de lutter contre le financement du terrorisme à l’échelle nationale.

Animée par deux experts internationaux spécialisés en criminalistique et en investigation numérique, cette initiative se veut un levier de transformation de la chaîne pénale congolaise. En renforçant les capacités locales, la MONUSCO poursuit son engagement à accompagner les institutions congolaises dans la consolidation de l’État de droit et dans la stabilisation des zones affectées par les conflits.
Au-delà de l’approche répressive, cette démarche traduit une volonté de s’attaquer aux causes structurelles de l’insécurité. En coupant les vivres aux groupes armés, elle participe à protéger les populations civiles et à créer les conditions d’un retour durable à la paix.
Justin Mupanya