
L’ancien président de la République Démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a annoncé ce jeudi sur son compte X (anciennement Twitter) son retour imminent au pays après six années de retrait politique et une année d’exil. Une décision qui suscite déjà débats et interprétations dans un contexte de crise persistante à l’Est et de tensions politiques.
Dans un message publié en milieu de journée, le leader du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) a déclaré : « Je rentre après six années de silence et une année d’exil. J’ai pris la résolution de revenir sans délai en RDC. J’entrerai par la partie orientale de notre territoire. La situation du pays l’exige : il est temps de participer avec détermination à la recherche de vraies solutions. »
Cette annonce, la première depuis son départ discret du pouvoir en 2019, ne précise pas de date exacte, mais insiste sur l’urgence d’agir face aux défis sécuritaires et politiques, notamment dans les provinces orientales en proie à l’activisme de groupes armés.
Si le porte-parole de Moïse Katumbi, figure de l’opposition, a salué ce retour en affirmant que Joseph Kabila « devrait s’installer à Goma », le PPRD a tempéré ces propos. Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du parti, a précisé à l’AFP que « la « partie orientale » évoquée par le président honoraire ne signifie pas nécessairement la ville de Goma ». Il a également rejeté toute allégation liant Kabila au conflit dans l’Est : « Le président honoraire n’a aucune implication dans cette guerre. Son engagement est strictement politique et citoyen. »
Olivier Kamitatu, analyste politique et ancien ministre, a pour sa part vu dans ce choix géographique un symbole fort. Sur X, il a estimé que ce retour à Goma, « ville emblématique de notre souveraineté nationale, porte un message clair : la résolution de la crise congolaise ne saurait reposer uniquement sur les interventions extérieures ». Il a ajouté : « Cette démarche s’inscrit dans une logique […] d’un ancien président déterminé à faire valoir ses droits citoyens, dans un contexte où sa sécurité semble davantage garantie loin de la tumultueuse Kinshasa. »
Du côté de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti au pouvoir, Augustin Kabuya, secrétaire général et président intérimaire, a interprété cette annonce comme une confirmation des « liens » entre Joseph Kabila et le mouvement rebelle M23, affilié à la coalition AFC. « Cette décision prouve que Kabila reste le véritable patron de l’AFC/M23 », a-t-il affirmé, sans fournir de preuves supplémentaires.
Une accusation fermement rejetée par le camp Kabila, qui dénonce une « instrumentalisation politicienne » de son retour. « Le président honoraire agit dans le cadre de ses droits constitutionnels. Son objectif est de contribuer à la stabilité, pas à la division », a répondu Ferdinand Kambere.
Ce retour intervient alors que la région du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale, fait face à une recrudescence des violences impliquant le M23, soutenu selon l’ONU et Kinshasa par le Rwanda, ce que Kigali dément. La RDC accueille actuellement une mission militaire régionale (EACRF) et une mission de l’ONU (Monusco) en cours de retrait, critiquée pour son inefficacité.
Si certains observateurs voient dans le retour de Kabila une manœuvre pour repositionner son parti avant les élections de 2027, d’autres y perçoivent une volonté de médiation. Reste à savoir comment Kinshasa, où les tensions entre partisans de Félix Tshisekedi et de l’ancien président restent vives, réagira à cette nouvelle étape.
Justin Mupanya